Ma ville est bilingue. Tous les noms des rues et des places sont donc traduits dans les deux langues. Et bien souvent, le néerlandais m’aide à comprendre ce que ne m’a pas dit le français : un ellébore est une rose de Noël, une dryade une nymphe des bois, une hulotte un hibou des bois, une passiflore une fleur de la passion, une béguinette une fauvette… Et ainsi j’augmente mon vocabulaire dans les deux langues.
C’est la nuit. Je balade entre Cailles et maisons jaunes. N’y voyant guère, je vais très lentement, dans l’avant-dernier jour de janvier. L’air est à peine frais, que je respire à pleins poumons. Je suis calme et tranquille, je ne pense à rien. Ce soir, si j’étais un des sept nains, je serais Simplet, pour sûr. Ce qui me fait penser qu’aujourd’hui, si je reste sur le même thème, j’aurais été successivement Joyeux, Timide, Prof, Dormeur et Atchoum. Donc tous, sauf Grincheux. Qu’il m’arrive d’être aussi, quand les vents se font irritants.
Il est vingt et une heures. Les envies et les désirs débarquent d’on ne sait où. Je sais que, rentré chez moi, j’écouterai La symphonie du nouveau monde. Dirigée par mon chef d’orchestre préféré. Au fond, n’ai-je pas, en marchant, orchestré la remise à neuf de mon monde intérieur ?