Pas facile toujours de partir sans idée préconçue, il y a parfois comme une envie d’écrire l’histoire avant l’histoire. Et pourtant à chaque instant peut se présenter l’inattendu. Alors…
Mais d’abord à l’habitude dompter le sac ; tant qu’il ne sera pas un minimum lesté, il jouera avec le vent. Je ne sais pas qui de moi ou de lui tourbillonne le plus, et il fait tout pour refuser ce que je lui propose. Pas longtemps, bientôt le poids est suffisant, le voilà calmé.
Ça souffle bien cet après-midi, alors, comme tous les ans à cette période, il neige en rose sur le quartier, et c’est magnifique de marcher caressé par les pétales des cerisiers du Japon.
Une équipe de cinéma se prépare à tourner un film dans une maison verte ; je leur demande, on ne sait jamais, s’il ne leur manque pas un comédien de mon âge ?
– Malheureusement non.
– Alors je continue ma balade. Bon travail.
Chaque nom de rue ou presque m’apprend un nouveau mot en néerlandais, que j’oublie presque aussitôt.
Mégot, mégot, capri-sun, carton, mégot, masque bien replié enroulé presque invisible, mégot, bouchon, mégot, masque bien replié… Là-haut dans l’arbre, un merle chante ce que seul un merle peut chanter, réinventant à chaque instant une nouvelle mélodie. D’autres mélodies me parviennent au passage des autos, rap, classique, chanson… Pas de paroles ; je ne sais pas quelle heure il est (et peu m’importe), je sais seulement que ce n’est pas l’heure des informations.
Combien de temps met un collier de palette pour entrer dans un sac poubelle aux trois quarts plein ? Autant que le fût du canon pour se refroidir quand le coup est tiré.
J’ai fait une boucle aujourd’hui, de chez moi à chez moi ; j’abandonne mon sac au coin de ma rue ; il me reste vingt mètres à faire.