Il est cinq heures et quart, la lune décroissante attend l’arrivée du soleil. À cette heure un samedi je ne vais sûrement rencontrer personne. Je n’ai pourtant pas fait cent mètres que je croise un ami et son lourd sac à dos, en route vers d’autres horizons. À chacun son voyage, lui s’en va au loin, moi j’apprends à connaître les détails des rues de ma commune.
Hors lui, c’est vrai, personne. Le printemps enfin, le roucoulement des pigeons, le ronronnement de l’autoroute au loin, et au bout de ma pince à l’ordinaire les mégots, les canettes, les masques (oh ? Un rose), les papiers, les bouteilles. Puis la valse des camions poubelle, et je m’émerveille de l’élégance des éboueurs sautant de la plateforme arrière vers les trottoirs, et qui me rappelle une belle histoire de mon enfance.
L’azur sans nuage. Mon jour sera-t-il pareil ?
Mes pensées dans ma solitude si matinale ne sont vraiment pas bien rangées, et j’en vois de toutes les couleurs. Les vraies couleurs, elles, sont bien agencées. Si j’étais peintre, aujourd’hui j’installerais mon chevalet au square des Trois Tilleuls. Les pensées du peintre se mêlent-elles au paysage qu’il peint ?
Quelques promeneurs ; à cette heure matinale, tout le monde semble préférer le silence, et s’il est rompu, c’est par des chuchotements. La vie feutrée. La vie à l’aube.